Du 9 mai 1944 au 12 juin 2014 : 70 ans de mémoire, baptême de l'école Jean le Monier
Notre école primaire de Squiffiec a connu un moment fort en émotion, le 12 juin 2014, lors de son baptême au nom de Jean LE MONIER, raflé en ces lieux, en mai 1944. Nous retraçons ici son parcours.
Jean est né le 30 décembre 1920 à Yffiniac, du mariage de Paul LE MONIER avec Célina GUILLOU, tous deux alors instituteurs à l’école publique d’Yffiniac de 1920 à 1930. Un couple d’enseignants qui choisit ensuite de venir vivre à Squiffiec, avec leur petite famille qui s’est agrandie par la naissance de Paul LE MONIER en 1930. M. et Mme LE MONIER vont enseigner à l’école communale de Squiffiec ; de 1930 à 1948, pour M. LE MONIER, et de 1930 à 1952, pour Mme LE MONIER.
Jean commence à étudier dans un premier temps à Yffiniac puis à l’école de Squiffiec, auprès de ses parents, pour ensuite rejoindre le lycée Anatole LE BRAZ de Saint Brieuc, à partir de 1932, afin d’y suivre ses études secondaires. Nous voyons ici Jean en 1937, devant la voiture familiale, près de la cour d’école.
A l’image de ses parents exerçant auprès des enfants squiffiécois, il avait lui aussi la passion de transmettre le savoir aux plus jeunes et se destinait à la carrière d’enseignant. Il part alors en 1940 pour Paris, à l’Ecole Supérieure de l’Enseignement Technique, pour y mener ses années d’études supérieures. Une plaque collective, commémorative des victimes de la guerre 1939-45, où figure son nom, y a d’ailleurs été inaugurée par le Président Vincent AURIOL (voir photo), en présence de M. LE MONIER père, le 8 février 1949.
S’étant éloigné un temps de notre commune, dans ces années de tourmente, Squiffiec demeurait son « port d’attache » mais c’est un événement de 1943, qui décide Jean à revenir en Bretagne occupée.
Astreint comme tous les étudiants de la région parisienne au STO (le Service du travail Obligatoire en Allemagne), il refuse de se rendre outre Rhin. Et, comme de nombreux jeunes français de l’époque, il prend le maquis et se replie le 30 juillet 1943, chez ses parents, toujours enseignants à Squiffiec.
C’est là qu’il rentre en Résistance à l’occupant et qu’avec ses amis d’enfance, il fonde notamment le club de foot de Squiffiec, auquel un nom éloquent est donné : l’URSS (union des Réfractaires Sportifs Squiffiécois). En fait, ce club de foot est une couverture à son action de résistance, au sein des FTPF (franc tireurs et Partisans Français), groupe Guyomard et Camus.
Les actions menées par son groupe sont diverses : la protection des réfractaires au STO, le recrutement de résistants, la distribution de tracts et de journaux clandestins interdits par l’ennemi, mais aussi la liaison avec les autres groupes résistants et les actes militaires.
Le 9 mai 1944, malheureusement pour les Résistants squiffiécois, un tragique événement se produit. Après dénonciation par un milicien infiltré dans la Résistance, Jean LE MONIER comme d’autres résistants squiffiécois dont notamment Paul Bernard (dont la poignante lettre d’adieux nous est parvenue), sa mère, et Marcel PAPE (qui ne reviendra pas, non plus, de la déportation) sont arrêtés.
Jean aurait pu choisir de se cacher dans n’importe quelle ferme accueillante de Squiffiec, et ne pas mettre sa vie en danger. Mais avait fait le choix de rester, ce jour là, dans le logement des instituteurs, chez ses parents, tout simplement : son foyer.
Pour vous, nous avons recueilli le témoignage de M. Jacques NICOLLE, un écolier de 12 ans à l’époque, qui a assisté ce jour là, à l’arrestation de Jean LE MONIER, dans la cour d’école publique : « Nous étions en récréation dans la cour d’école, lorsqu’un convoi de plusieurs camions est arrivé subitement. Après s’être arrêtés sur la route, en face, les soldats sont descendus très prestement des camions. Ils ont très vite encerclé l’école.
Une partie d’entre eux est alors rentrée dans la cour et ils se sont dirigés vers le logement des instituteurs, pour passer par la cuisine et monter jusqu’aux chambres.
Des soldats nous ont alors tous poussés dans le recoin de la cour, entre les toilettes et le préau. Nous étions maintenus là, par deux soldats allemands, la mitraillette en bandoulière. Nous étions extrêmement impressionnés. Nous attendions dans l’angoisse.
Au bout d’un instant, on les a vus sortir du logement : les soldats, Jean, puis son père et sa mère. Ils ont discuté un moment dans la cour.
Puis l’interprète, pour couper court, a dit : « On part maintenant ! Tu embrasses bien ta mère, parce que peut-être tu n’auras plus l’occasion de la revoir ! »
Alors, Jean a fait 4 ou 5 mètres en avant, puis il s’est retourné, est revenu vers son père, lui a pris sa casquette et l’a mise sur sa tête. Il est ensuite sorti de la cour, est monté dans le camion. On ne l’a plus revu. »
Jean Le Monier est tout de suite emprisonné à la prison de Guingamp, située derrière l’hôtel de ville. Puis, il y est torturé par la Gestapo (police de surveillance qui traque les résistant sur toute l’Europe), de sinistre mémoire en France.
Jean est ensuite transféré à la prison de Saint Brieuc, puis à celle de Rennes (caserne Marguerite). Son père fera d’ailleurs à plusieurs reprises le trajet Squiffiec-Rennes, à vélo, pour lui rendre visite en détention.
Mais le débarquement en Normandie a eu lieu le 6 juin, et les Alliés progressent dans l’Ouest. L’occupant prend alors la décision de mener l’évacuation de tous les prisonniers politiques vers l’Allemagne, lors du repli de la Wehrmacht, dans la nuit du 3 au 4 Aout 1944. Les Américains sont en effet aux portes de Rennes. La ville est libérée le 4 par les alliés.
Son convoi prend le train et, après avoir rejoint Nantes, longe la Loire, vers l’Est. Le train est alors mitraillé par l’aviation alliée, et dans la désorganisation provoquée par cette attaque, Jean réussit à s’échapper. Malheureusement, il est repris par l’occupant et forcé à poursuivre sa route vers les bagnes nazis. Natzwiller, dans un premier temps, puis Dachau, et le funeste « camp de la mort » de Vaihinger près de Stuttgart.
C’est là, très affaibli par les mauvais traitements, la maladie, à bout de forces même, qu’il décède, le 2 avril 1945, quelques jours seulement - cinq jours seulement ! - avant l’arrivée des troupes françaises de la 5è D.B. (appartenant à la 1ere armée), qui libèrent le camp le 7 avril 1945.
Le corps de Jean LE MONIER fut inhumé dans le cimetière national du Struthof, sur la commune de Natzwiller, en 1958.
En 1946, la commission nationale d’homologation des grades FFI prononce « l’homologation de Jean LE MONIER au grade d’adjudant, « MORT POUR LA FRANCE » le 2 avril 1945. ».
Le 30 aout 1946, il reçoit à titre posthume une citation à l’ordre de la division, comportant l’attribution de la croix de guerre avec étoile d’argent, sur l’ordre du Général de Division PREAUD commandant la IIIe région militaire.
Motif de la citation : « Dirigeant d’une société sportive, a transformé celle-ci en un groupe de résistance qui a participé par la suite à de nombreux coups de mains. S’est particulièrement distingué lors de l’attaque d’une patrouille ennemie, très supérieure en nombre, faisant preuve d’une audace et d’un cran remarquable. Arrêté et torturé par la gestapo, n’a rien dévoilé.
Déporté dans les bagnes nazis, a conservé jusqu’au bout un moral intact. A succombé quelques jours avant la Libération de son camp par les troupes alliées. A donné un bel exemple de courage et d’abnégation »
Le dévoilement de la plaque par M. Paul LE MONIER très ému de donner le nom de son frère à l’école de ses parents et son ancienne école.
Le recueillement au monument du Secteur Nord II.
C’est en présence d’un très large public et des enfants des deux écoles de Squiffiec, que la cérémonie a débutée le 12 juin 2014. Dans un premier temps, au cimetière communal, les élus et porte-drapeaux ont salué la mémoire de Paul Bernard, fusillé ; Marcel Le Pape, déporté et mort en camp ; Marcel Huonnic, tué à Plouëc lors de combats de la libération et Jean Le Monier, déporté et mort en camp.
Puis, devant la mairie, un cortège s’est formé par les enfants des écoles, les nombreux porte-drapeaux des associations patriotiques les élus de la région et la population de Squiffiec ainsi que des communes avoisinantes, sensibles à ces temps fort de commémoration du souvenir de la Libération. C’est au monument de Kerbellec, dédié au Secteur Nord II de la Résistance de Bretagne, dont Squiffiec était le centre, que la cérémonie s’est poursuivie. Elle a été l’occasion pour M. le Maire de parler directement aux enfants, et leur expliquer le sens de cette commémoration.
M. Pierre Martin, président de l'A.N.A.C.R. de Bégard et vice-président du comité régional et national a lui aussi insisté sur le devoir de mémoire envers ces jeunes squiffiécois qui ont donné leur vie pour notre liberté.
Puis l’ensemble du cortège s’est rendu dans la cour de l’école élémentaire publique, où en présence des autorités, la plaque nommant notre école a été dévoilée par Paul, le frère même de Jean LE MONIER. Cette cérémonie s’est achevée par un moment dédié à la paix retrouvée en Europe, et le déroulement d’une banderole aux couleurs des 28 pays de l’Union Européenne, et par la diffusion de l’hymne à la Joie de Beethoven, hymne d’espoir de l’Europe.
Ce fut une journée intense, riche en émotion, avec une participation importante, toutes générations confondues ; un devoir de mémoire, fortement partagé par une assemblée recueillie.
Puis, devant la mairie, un cortège s’est formé par les enfants des écoles, les nombreux porte-drapeaux des associations patriotiques les élus de la région et la population de Squiffiec ainsi que des communes avoisinantes, sensibles à ces temps fort de commémoration du souvenir de la Libération. C’est au monument de Kerbellec, dédié au Secteur Nord II de la Résistance de Bretagne, dont Squiffiec était le centre, que la cérémonie s’est poursuivie. Elle a été l’occasion pour M. le Maire de parler directement aux enfants, et leur expliquer le sens de cette commémoration.
M. Pierre Martin, président de l'A.N.A.C.R. de Bégard et vice-président du comité régional et national a lui aussi insisté sur le devoir de mémoire envers ces jeunes squiffiécois qui ont donné leur vie pour notre liberté.
Puis l’ensemble du cortège s’est rendu dans la cour de l’école élémentaire publique, où en présence des autorités, la plaque nommant notre école a été dévoilée par Paul, le frère même de Jean LE MONIER. Cette cérémonie s’est achevée par un moment dédié à la paix retrouvée en Europe, et le déroulement d’une banderole aux couleurs des 28 pays de l’Union Européenne, et par la diffusion de l’hymne à la Joie de Beethoven, hymne d’espoir de l’Europe.
Ce fut une journée intense, riche en émotion, avec une participation importante, toutes générations confondues ; un devoir de mémoire, fortement partagé par une assemblée recueillie.