L’EXODE DE 1940, PAR Mme ODETTE MICHE
Au cours de nos visites aux anciens du village, dans le cadre de la distribution des colis de la C.C.A.S., nous retraçons souvent, avec nos hôtes, les moments du passé qui les ont marqués. Durant la conversation, Mme Odette MICHE nous avait raconté son vécu d’enfant à l’été 1940, lors de la débâcle et de l’invasion des armées d’occupation en France. Nous vous donnons ici lecture d’une part de ses souvenirs. Odette s'en est allée ce printemps. Nous continuons de partager son vécu, en sa mémoire.
« J’avais sept ans au moment de l’exode. Mon petit frère Lucien n’avait même pas un an, vu qu’il était né le 4 juillet 39. Nous habitions alors à Franconville, en région Parisienne. Nous sommes tout de suite partis, peu de temps avant l’arrivée des Allemands. Autour de nous, tout le monde disait qu’il valait mieux partir. C’était la crainte et la panique généralisée. Mon père était mécano dans un garage, à Levallois-Perret. Nous sommes donc partis de Franconville avec une grosse Delahaye que son patron lui avait prêtée. Dans la voiture, nous étions huit personnes : nos deux parents, les quatre enfants et deux personnes âgées du voisinage. En principe nous allions vers Cusset (près de Vichy), parce que ma mère avait des connaissances là-bas.
Lorsque nous roulions vers le Sud, nous avions été mitraillés par des avions qui suivaient la route. Ils mitraillaient les gens, en piquée. Nous avions bien vu les avions et, en fait, ils étaient italiens. C’était terrible ! A un moment, on s’est arrêtés, parce que mon frère Lucien a cogné sa tête contre la portière et a perdu connaissance. Nous étions juste devant une caserne, sur la route. Les gens nous disaient : « Mais allez voir en face, il y a un médecin ! » Seulement… il était Allemand et mon père ne voulait donc en aucun cas y aller. Finalement, il s’est réveillé, suite aux soins prodigués par une autre personne.
Je ne me rappelle pas beaucoup de notre séjour dans le sud, car cela n’a pas dû durer longtemps. Dès que Pétain a déclaré Paris ville ouverte, nous sommes repartis vers le Nord. En fait mon père se devait d’y retourner, car c’était là qu’il travaillait. Nous sommes donc remontés de nuit sur Paris. Soudain, dans l’Yonne, un camion allemand qui roulait devant nous a plongé d’un seul coup dans un trou énorme. Il avait probablement été causé par l’explosion d’un obus sur la chaussée ; Mais vu que c’était la nuit, le chauffeur ne l’avait pas vu. Papa et les occupants du camion sont tous sortis des véhicules. Leur camion étant endommagé, je me souviens que les Allemands avaient pipé l’essence du réservoir du camion, pour le donner à mon père. Ils voyaient bien que nous étions une famille avec des enfants en bas âge et avaient évidemment voulu avoir un geste de solidarité à notre égard.
On est vite repartis et nous avons trouvé une ferme pour la nuit, parce qu’en effet, c’était trop risqué de rouler ainsi dans l’obscurité. Après un bol de soupe à la ferme, nous nous sommes rendus dans une grange pour dormir. Le lendemain matin très tôt, nous sommes repartis pour regagner Paris. Plus tard, à Franconville, mon père qui était Italien de naissance, est entré dans la Résistance, avec un groupe de Pontoise. Il a ensuite reçu la nationalité française, de la part du Général de Gaulle, suite à ces faits de résistance. »